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1 mars 2007
Liste Charest # 5 : La création de l'Agence des partenariats public-privé (PPP)
D'abord, je voudrais juste rappeler que l'idée derrière l'appel à la blogosphère, c'était, entre autres, de ne pas avoir à se taper toute la job. À ce rythme, vais finir par avoir le DGE sur le dos (mais non, ne croyez pas que le Périscope estime avoir une influence quelconque sur le vote]. Anyway, pour le cinquième élément de la liste, la mise en place de l’Agence des partenariats publics-privés (projet de loi 61, adopté sous le baillon en décembre 2004) par lequel le PLQ a consolidé sa politique autoritaire envers les travailleurs québécois, j'ai décidé de vous bricoler un petit quelque chose à partir d'un éditorial que je vous ai rédigé l'an dernier.
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D'abord, il ne faut pas se leurrer, les "partenariats" entre le secteur public et le secteur privé existent depuis longtemps. Ici, au Québec, qui ne se souvient des dépassements de coûts lors de la construction du stade olympique ! Du métro à Laval ! Des « partenariats publics-privé» entre les médecins (payés par les contribuables, faut-il le préciser) et les pharmaciens, entre les compagnies pharmaceutiques et l’État (on pense ici aux coûts astronomiques du régime d’assurance-médicaments) ! L’Ontario a quant à elle « rencontré son Walkerton », où la mauvaise gestion de l’eau (sous forme de PPP "nouvelle mouture") a tourné à la tragédie (voir aussi le cas de Grenoble). Ailleurs, les "Profits-Pour-le-Privé" se sont déjà insinués dans de nombreux secteurs de l’économie. Pensons simplement à l’engagement d’Halliburton en Irak, un « PPP » dans le secteur de la guerre ! Le mercenariat au service de la réduction de la taille de l’État.
Vous trouvez que j'y vais avec les gros sabots, qu’il ne s’agit pas là de la "formule PPP" telle que le gouvernement du PLQ l'a mise en place sous le faux prétexte qu'ils coûteraient moins chèrs et seraient plus "efficaces". En effet, même s'il a dans sa poche plus de projets PPP qu'il ne le prétend (voir aussi ici), celui-ci préfère évoquer des projets dans la construction de tronçons d’autoroute, d’aires de repos, voire de salle de concert et de méga-hopitaux (nous aurons l'occasion d'y revenir dans un dossier qui y est exclusivement consacré !), etc. Mais ce n’est que diversion. À la vérité, c’est plutôt l’ensemble des services publics qui deviennent susceptibles d’être soumis à la « formule PPP » comme le souligne l’article 6 et 13 de Loi sur l’Agence des partenariats publics-privés*. Parmi les organismes publics susceptibles de mettre en place des PPP, l’article 7 cite nommément : les ministères (alinéa 1, aucune exception n’est notée), les sociétés d’État (alinéa 2), les écoles et les collèges (alinéa 3), les commissions scolaires (alinéa 4), les universités (alinéa 5), les établissements du réseau de la santé (alinéa 6 et 7), les organismes municipaux (alinéa 8). Surtout, l’alinéa 9 souligne que peut être considéré comme un organisme public pouvant mettre en place des PPP, « tout autre organisme désigné par le gouvernement ». Une formule idéale pour mettre à l'encan nos services publics.
Il y a évidemment plusieurs bonnes raisons de s’opposer à cette nouvelle mouture des PPP, : le manque de transparence ; les risques élevés de conflits d’intérêts et de relations incestueuses entre les dirigeants publics et ceux de l’entreprise privée ; la gestion « managériale » de la chose publique où les « indicateurs de qualité » inspirés de la « nouvelle gestion publique », née dans les business schools anglo-saxonnes, sont sensés protéger l’intégrité des services offerts aux citoyens ; la centralisation des décisions vers le Conseil du trésor et l’exécutif du gouvernement, la chimère du partage du risque, le fait que la comptabilité privée ne peut pas être inspectée comme c'est le cas des finances publiques, etc.
Bref, de nombreuses questions éthiques se posent. Mais, les conséquences de cette ouverture éventuelle de l’ensemble des services publics au secteur privé consacré par le projet de loi 61 vont encore beaucoup plus loin. Petit à petit, c’est l’ensemble des services publics qui est à risque de passer sous la houlette de l’Agence des partenariats publics-privés.
Au premier rang des victimes [et là il faut faire un le lien avec la loi 31 qui, s'attaquant aux travailleurs du secteur privé, a modifié l’article 45 du Code du travail pour favorisant le recours à la sous-traitance, un autre dossier à venir], on peut certes penser aux travailleurs du secteur public dont les conditions de travail risquent d’écoper lors de la transition au PPP. En termes de salaire bien sûr, mais aussi en terme de santé et sécurité. Un reportage du Point (1er décembre 2003**) sur les risques élevés encourus par les agents de sécurité dans les prisons ontariennes (en mode PPP) — qui a suscité "l’intérêt du ministre" de la sécurité publique— était à cet effet très évocateur.
En somme, ce que l’on doit éviter d’occulter, c’est que cette mise en place du cadre législatif propice à la prolifération des PPP s’insère dans la droite ligne de la politique autoritaire envers les travailleurs québécois instituée par le gouvernement Charest depuis son arrivée au pouvoir. D’abord, la loi 31 consacrant les modifications à l’article 45 du Code du travail. Ensuite, le gouvernement imposait le fractionnement des unités d’accréditation syndicales dans les hôpitaux (encore un autre dossier à traiter dans notre Liste Charest). Puis, le projet de loi 61 sur les partenariats publics-privés. En procédant de la sorte, le Patapouf a lancé une attaque frontale contre l’ensemble des travailleurs québécois de plus en plus soumis au joug de la sous-traitance, de l’impartition, de la quête absolue de flexibilité sur le marché du travail. Plus encore, ces mesures entraînent la désorganisation des travailleurs et tendent à les opposer les uns aux autres.
Pas convaincu? D'autres que moi sauront peut-être le faire. Lire notamment:
Main-basse sur l'État, Dorval Brunelle et al, 2005. (extrait en ligne) Tout doit disparaître :Partenariats publics-privés et liquidation des services publics, Gaétan Breton, Lux Éditeur, 2005. Sur le front des PPP, SCFP. En ligne. Explications sur les PPP : Réseau vigilance. En ligne.
(*) Un contrat de partenariat public-privé est un contrat à long terme par lequel un organisme public associe une entreprise du secteur privé, avec ou sans financement de la part de celle-ci, à la conception, à la réalisation et à l'exploitation d'un ouvrage public. Un tel contrat peut avoir pour objet la prestation d'un service public (article 6). Un organisme public partie à un contrat de partenariat peut, aux conditions qu'il détermine, déléguer à un partenaire l'exercice de toute fonction ou de tout pouvoir autre que réglementaire requis pour l'exécution du contrat (article 13).
(**) Le même reportage permettait également de prendre la mesure de ce que signifie la « transparence » dans un PPP : les gardiens sont tenus au silence, les ennuis de santé des détenus ne sont pas signalés pour éviter les risque d’évasion lors d’une visite à l’hôpital (santionnée par des pénalités monétaires), etc.
Libellés : élections 2007, Liste Charest, Politique, Québec
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lâché lousse dans le cyberespace par Mr Pointu
@ 09:53
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