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14 mars 2007

Liste Charest # 17 : Modification à l'article 45 du code du travail et mise au pas des travailleurs québécois 


D'abord, voudrais dire un chaleureux bienvenu aux nombreux nouveaux visiteurs qui passent par ici depuis quelques jours... depuis que notre "Drinking game" a été "linké" à de nombreux endroits. C'est d'ailleurs fort agréable de constater que cette initiative ait suscité tant d'entrain... Cela dit, on se démène depuis deux semaines afin de fournir du "contenu" au débat avec la Liste Charest qui, elle, semble susciter moins d'enthousiasme chez les observateurs de la blogosphère [on doit exclure ici M. Schnobb de Radio-Canada qui rapporte assiduement nos initiatives depuis quelques semaines]... Anyway, ca doit être un signe des temps.

Voici donc le dix-septième élément de la liste, "la modification de l'article 45 et la mise au pas des travailleurs du Québec"!

***

Nous le savons, les grandes corporations sont de plus en plus nombreuses à vouloir scinder leurs activités afin de se dégager des conventions collectives. Les luttes largement médiatisées menées autant par les téléphonistes de Bell que par les préposés aux services à la clientèle de Vidéotron en ont fait foi au tournant du siècle, celles à la SAQ, l’ont rappelé plus récemment.

La loi 31, adoptée par Patapouf à l’automne 2003, est venue cautionner l’antisyndicalisme du patronat québécois. Elle avait suscité — s’en surprendra-t-on — l’enthousiasme du Conseil du patronat qui était alors «très content» de cette modification puisqu'elle représente une «réelle amélioration », pour reprendre les termes de son président, Gilles Taillon, aujourd’hui numéro 2 de l’ADQ…

Dans les faits, non seulement le projet de loi 31 est-il venu cautionner le recours à l’impartition, la sous-traitance, et, par le fait même, le glissement d’un nombre toujours plus grand de travailleurs vers les marchés périphériques du travail, mais surtout, il permettait dorénavant aux entreprises de se débarrasser des conventions collectives qu’elles avaient auparavant signées avec ses employés sans risque de poursuites judiciaires. Deux ouvertures béantes sont créées :
1) Dans le cas d’une concession partielle à un sous-traitant, l’article 45 qui protège les droits syndicaux des travailleuses et des travailleurs s’appliquerait seulement lorsqu’il y a vente de la plupart des éléments caractéristiques de l’entreprise. Par exemple, un sous-traitant n’aurait pas à reconnaître les droits du personnel syndiqué si l’établissement lui confiait seulement une partie de ses fonctions (ex. : l’entretien des chambres dans un hôtel, les services cliniques à certains types de clientèle, etc.) ; 2)Dans le cas où l’article 45 continuerait de s’appliquer, une nouvelle disposition obligerait la renégociation immédiate de la convention collective avec le sous-traitant. Dans le Code du travail actuel, la convention collective existante est maintenue pour une période pouvant atteindre 12 mois. Avec le projet de loi 31, dès que le sous-traitant prend en charge les opérations cédées par le donneur d’ouvrage, la convention collective est réputée expirée.. (CSN)
Du coup, du jour au lendemain, c’est toute l’histoire des luttes et des revendications pour de meilleures conditions de travail dans ces entreprises qui est balayée du revers de la main.

Il faut aussi rappeler qu’au Québec, la législation encadrant le recours à la sous-traitance était déjà plus permissive que celle existant dans le ROC*. Autrement dit, l’article 45 du Code du travail, avant qu’il ne soit modifié, n’empêchait pas la sous-traitance, mais avait pour objectif d’assurer le respect des conventions collectives. Pire :

La comparaison entre l’encadrement juridique québécois et (notamment) ontarien et canadien indique en outre que la nouvelle formulation du Code du travail accentuerait le déséquilibre dans la défense des droits des travailleurs et de leurs organisations représentatives (Gagnon, Avignon et Collombat, 2003)
Il faut aussi mettre en lien l’adoption de loi no 31 par le clan Patapouf modifiant l’article 45 du Code du travail et l’impact négatif de l’intégration continentale sur l’encadrement juridique du marché du travail au Québec. Fait important à noter, l’esprit des modifications au Code du travail, en ce qui a trait au transfert de propriété d’une entreprise est calqué sur le modèle américain (National Labor Relations Act) où seule l’obligation de l’employeur à négocier de bonne foi avec le syndicat survit à la passation des pouvoirs. Bref, comme cela était prévisible, l’intégration continentale conduit progressivement une « course vers le bas », sous prétexte d’ajustement à la norme continentale (lire états-unienne) et les révisions - le PQ de Bouchard s'y était mis en 2001 - de l’article 45 s’inscrivent clairement dans cette perspective. D'ailleurs, le ministre Després — oui, oui, celui qui est sur la corde raide aujourd’hui —cautionnait la loi 31 en faisant expressément référence au fait que : « la mondialisation est un phénomène qui se traduit par une concurrence sans cesse croissante. [Que de] de nouvelles puissances émergent sur la scène internationale et les ententes régionales de libre-échange se multiplient. [Qu’] une économie ouverte comme celle du Québec doit s'adapter à un environnement économique en constante évolution » (Presse Canadienne, 13 novembre 2003).

Ben oui, la mondialisation est évoquée comme un phénomène extérieur devant lequel nos hauts dirigeants assistent impuissants…comme si ce n’est pas eux qui négociaient ces accords (**)…

En somme, le gouvernement Charest avait la responsabilité de protéger les travailleurs et les travailleuses contre les effets pervers de la mondialisation et de ses concurrences effrénées. Malheureusement, la loi 31 adoptée, en ayant recours à la procédure douteuse du bâillon, fut un autre coup de canon adressé par le PLQ aux travailleurs du Québec. D'ailleurs, ce n’est pas demain que les travailleurs en récolteront les fruits, car, comme le rappelait en 2003 Mme Françoise Bertrand de la Fédération des Chambres de commerces du Québec, si, à court terme, certaines conventions collectives devront être ajustées à la baisse, « à long terme, ce sera très bénéfique ». Autrement dit, à l’inverse de ce qui se passe dans le circuit de la consommation, c’est payez maintenant, vous récolterez peut-être plus tard!

*Dans une étude intitulée « La sous-traitance dans le secteur manufacturier : une comparaison Québec-Ontario », Jalette constate « qu’au Québec, 95,2 % des établissements confient au moins une activité à l’externe tandis qu’en Ontario cette proportion se situe à 87,9 % (2003 : 14). Plus de 60 % de ces entreprises en donnent plus de trois à l’extérieur (2003 : 14). Par ailleurs, au Québec, 39,3 % du chiffre d’affaires total des PME vient de la sous-traitance alors que celui-ci s’établit à 33,2 % en Ontario et à 39,2 % dans l’ouest du Canada (32,9 %). Jalette, Patrice. Octobre 2003. « La sous-traitance dans le secteur manufacturier : une comparaison Québec-Ontario, Rapport de recherche, École des relations industrielles de l’Université de Montréal, Montréal, 28p.

**Parlant d’accords négociés par nos gouvernements, il faut noter – ce n’est pas anodin – que l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT) — qui fut conclu parallèlement à l’ALENA pour gérer les questions du travail sur le continent —respectait la primauté des législations nationales du travail et n’exigeait aucune harmonisation à la hausse (une approche qui se situait à l’opposé des exigences de l’ALENA en ce qui concerne l’investissement (le fameux chapitre 11) ou encore la protection intellectuelle). Autrement dit, l’ANACT est un simulacre de « clause sociale ». Depuis dix ans, les « groupes d’arbitrage spéciaux » chargés du règlement des différents concernant les accrocs à la législation du travail n’ont imposé aucune sanction à qui que ce soi.

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