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27 juillet 2007

La tristesse d'un silence 


Je dois le confesser, je suis souverainiste. Péquiste, très, très loin de là, mais souverainiste certainement. Je le suis non pas parce que ce serait une question de vie ou de mort, ou pour enfin nous sortir de l’oppression (cela, nous l’avons déjà fait par nous-même et nous devrions en être fier), mais peut-être essentiellement pour quelque chose comme des motifs un peu romantiques que je sais ne pas avoir d’autre sens que celui que nous, ensemble, voudrons bien lui donner. Après tout, c’est beaucoup cela, l’indépendance nationale, profiter de la brèche dans le temps qu’est le présent pour enfin devenir l’auteur de sa propre histoire.

En quelque part, pour moi, la souveraineté, ce serait achever comme il se doit un récit commencé il y a maintenant au moins 250 ans. Enfin aller mettre un terme à un chapitre qui traîne et qu’il serait éminemment trop triste de laisser inachevé, ou pire encore de le laisser s’achever dans l’oubli et l’échec : « c’t’une fois l’histoire d’un peuple qui voulait devenir lui-même et qui ne réussit pas. »
On ne peut pas mettre en l’air une idée comme celle de doter un peuple d’un État – et d’ainsi accéder au statut de jeton universel du jeu politique mondial depuis le Traité de Westphalie de 1648 – pour ensuite l’abandonner, la laisser s’évanouir et disparaître.
Accéder au statut d’État-nation, c’est le plus haut rêve de la Modernité. C’est à la fois l’objectif le plus élevé à atteindre pour une collectivité politique, et le moyen ultime de ses ambitions. Certes, et clairement, ce n’est pas le moyen garant de tout ou une quelconque solution-miracle. Elle est finie cette époque où l’on rêvait des « Grands Soirs ». Mais tout cynique que je suis (et que j’ai toujours un peu été), je suis capable de reconnaitre qu’au travers de l’immense désolation que l’on peut y trouver, il y a aussi dans l’histoire des trajectoires, des moments et des gens qui ont démontré que tout ne s’équivalait pas, et qu’il y a des choses qui sont grandes.
Et justement, dans l’histoire sanguinolente des peuples qui ont voulu accéder à l’indépendance, la lente, patiente et responsable trajectoire du Québec apparaitrait comme un grand Moment incarnant la Modernité dans ce qu’elle a eu de plus beaux idéaux. Laissé inachevé, ce chapitre ne nous montrerait pas vraiment comme un peuple patient et responsable, mais plutôt lâche, incapable de se saisir lui-même et donc probablement pas un peuple au bout du compte... Il faudra bien un jour que nous arrivions à boucler cette boucle : le contraire serait vraiment trop triste.
En attendant « le grand jour », je me morfonds à voir aller nos politiciens « souverainistes », si desséchés et dépourvus d’idéaux et d’horizon historique, rongés jusqu’aux os par un utilitarisme bête qui n’a jamais rien fait faire d’autre à un peuple que d’éructer un changement de gouvernement.
Dans ce néant, il y a Christian Rioux, correspondant du Devoir à Paris, que j’apprécie énormément lorsqu’il écrit à propos de la souveraineté et de ce qui fait un grand Homme ou une grande Femme politique. Ce matin, il a fait un très beau papier à propos du silence et de la non-célébration des quarante ans de la célèbre allocution du Général de Gaule au balcon de l’hôtel de ville de Montréal. J’en reproduis ici l’extrait le plus important:

De Gaulle est justement venu au Québec pour faire l'histoire, pas pour en suivre le cours. Même les plus fervents fédéralistes reconnaissent que le geste du général ne manquait pas de courage. Ce faisant, le président français se mettait à dos non seulement les responsables canadiens et américains, mais tout ce que le monde comptait de diplomates et de chefs d'État. Même à Paris, à l'exception de quelques initiés, on le croit pris d'un accès de folie. Mais de Gaulle n'est pas homme à se laisser impressionner par l'air du temps. Se fiant à son jugement, n'écoutant pas ses ministres, il tentera de se faire l'expression non pas de la majorité silencieuse ou du dernier sondage de popularité, mais de ce qu'il perçoit comme les aspirations les plus légitimes et les plus nobles de tout un peuple.

De Gaulle regarde le Québec de 1967 comme il a regardé la France de 1940. Il y distingue une histoire et un destin. Avant de lancer sa bombe, il n'avait pas étudié le déséquilibre fiscal ni consulté les économistes et les sondeurs. C'est peut-être ce que même les souverainistes n'arrivent plus tout à fait à comprendre.

Pour le libérateur de la France, l'identité d'un peuple ne se monnaye pas. De Gaulle savait aussi une chose que nous semblons avoir oubliée. Il savait qu'il y a dans l'idée d'indépendance un choix existentiel qui dépasse les seuls arguments raisonnables. Même si les deux ne s'excluent pas nécessairement, le général ne craignait pas d'assumer cette part d'irrationnel dans la vie des peuples.

Si de Gaulle s'était fié aux sondages en 1940, il n'aurait jamais gagné Londres et libéré la France. Il se serait rallié à Pétain comme la majorité de ses compatriotes. S'il avait écouté ses conseillers, il n'aurait pas non plus donné son indépendance à l'Algérie. S'il avait tout pesé et calculé à la manière d'un comptable, il ne serait jamais monté sur le balcon de l'Hôtel de ville de Montréal et le monde n'aurait pas entendu parler de nous.




Plus rien à ajouter.


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