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9 février 2007

Dégel des frais de scolarité: contrer la propagande 


Vous avez sans doute vu comme moi passer dans les médias diverses interprétations de cette étude rendue publique cette semaine par Statistiques Canada. En gros, voilà ce qu’on fait généralement dire à cette étude.
Gel des frais de scolarité

Voici pourquoi ceux qui défendent le gel des frais de scolarité au nom de l'accessibilité aux études taperaient peut-être sur le mauvais clou: une étude publiée aujourd'hui par Statistique Canada indique d'abord, qu'en effet, les pauvres fréquentent moins l'université que les plus riches. En 2003, les jeunes de 19 ans qui comptaient parmi le 20 % de Canadiens les plus pauvres étaient inscrits à l'université dans une proportion de 31 %. Ceux du 20 % des plus riches, 50 %.

Or, selon les chercheurs de l'agence fédérale, l'écart entre les deux groupes s'explique à 84 % par les résultats scolaires au primaire et au secondaire, par le niveau d'études des parents, les attentes parentales et l'école secondaire fréquentée. Par contre, 12 % seulement de l'écart dans la fréquentation universitaire est lié à l'incidence plus élevée des «contraintes financières» chez les jeunes à plus faible revenu.

Autrement dit, même si l'université était gratuite, avec logement et nourriture fournis, à peine quelques milliers de pauvres de plus seraient à l'université aujourd'hui, sur un potentiel beaucoup plus grand. [extrait du blogue d'Éric Grenier de Jobboum, voir ici pour une interprétation semblable]
Pas besoin d’avoir lu Bourdieu de bord en bord pour savoir que l’école - et l'université encore plus - est une institution permettant la reproduction de la classe dominante. Ainsi, il n’est pas surprenant de constater qu’il y a plus d’enfants de familles du quintile supérieur qui vont à l’université et que les « pauvres » y vont moins. Le milieu social d’origine, pour toutes sortes de raisons, est certainement un facteur important conditionnant les chances d’aller ou non à l’université. Penser que l’égalité pourrait un jour être atteinte à cet égard est une belle utopie…

Mais ÇELA NE VEUT PAS dire que le fait de garder les frais de scolarité à un bas niveau — EN NE LES DÉGELANT PAS —, ne profite pas aux couches les moins choyées de la société.

Voilà ce qu’occultent ces diverses analyses : il y a tout de même 30 % des jeunes issus des familles les plus pauvres qui vont à l’université au Québec. C’est quand même pas mal (même si ça pourrait être mieux). Quel pourcentage des jeunes des « classes dangereuses » allait à l’université au début du siècle ? Quel pourcentage des jeunes de familles dans le quintile inférieur vont à l’université aux États-Unis (où le coût des études supérieures est généralement très élevé)? Parce qu"il y a juste cela qui semble compter, quelqu'un à des chiffres à cet égard ? Je suis preneur.

Enfin, dans une optique plus utilitariste, combien « vaut » socialement le fait que les jeunes issus des milieux populaires puissent simplement penser aller éventuellement à l’université parce que le coût n’est pas prohibitif ?

Priceless
, comme dirait l’autre.

***
Permettez-moi enfin d'ajouter ici un extrait d'un commentaire très pertinent d'Alain Thomas laissé sur le blogue cité plus haut:
S’il faut investir à la base, c’est que ces jeunes défavorisés n’ont pas les moyens de se nourrir convenablement, de se payer un ordinateur, un aide personnel, etc. Cela dit, supposons qu’on s’attaque justement à ces problèmes de bases, selon votre raisonnement, ce même jeune, pourrait alors se retrouver avec le potentiel aux portes de l’Université, mais être incapable d’y entrer faute du même manque de moyen devant les frais. En augmentant les frais, on risque justement de limiter les connaissances supérieures à une minorité de bien nantis qui feront peut-être l’aumône par une bourse aux pauvres «sélectionnés». L’histoire passée nous démontre bien ce que l’argent peut faire en éducation(...)

En clair, je comprends que l’argument est le suivant : les pauvres n’ayant pas les moyens de se payer l’université, parce que déjà pauvres et face aux problèmes que cela implique, augmentons les frais puisque cela ne changera pas leurs chances d’accéder aux études supérieures. Quel beau Québec ce serait. Manque juste d’accuser les «pauvres» d’êtres pauvres, après tout ce doit être de leur faute
.

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